mardi 1 avril 2014

Témoignage d'une élue EELV, après six ans dans l'opposition à Douarnenez


Je viens de vivre un mandat dans l'opposition pendant six ans, j'avoue que c'est une tâche ingrate. 

Pour mémoire, j'étais la seule élue écologiste, pour Europe Ecologie Les Verts (EELV). 

Peu de  temps après les élections municipales de 2008, trois groupes se sont formés dans l'opposition à gauche :  le groupe des 3 élu-es du Parti socialiste, le groupe des 3 élu-es Parti communiste/Alternatifs (Front de gauche) et le groupe EELV composé d'1 seule élue (ainsi que le permet le code des collectivités territoriales). Chaque groupe dispose d'une parole autonome au conseil municipal et sur la page réservée à l'expression des élus minoritaires dans le magazine municipal. 

A mi-mandat, un quatrième groupe d'opposition a été créé à droite avec sept élu-es issus de la scission au sein de la majorité.   

Les commissions municipales : les chaînons manquants...

J'ai assisté, autant que mon activité professionnelle le permettait, à pratiquement toutes les réunions de commissions dans lesquelles j'étais inscrite : commissions permis de construire, urbanisme, environnement, affaires scolaires. Je n'ai pas raté une seule des réunions municipales de préparation du plan local d'urbanisme.  

Je dis "assister", car ces réunions sont déjà des chambres d'enregistrement de décisions prises en amont par les élus majoritaires ! Ces réunions sont donc l'occasion de connaître un peu à l'avance, mais guère plus, le contenu des délibérations qui sont votées en conseil municipal. Mais comme le nombre réduit des élus d'opposition ne permet pas à chacun d'être présent dans toutes les commissions, nombre de sujets leur échappent !! 

Par ailleurs, nombre de décisions ne font pas l'objet de délibérations au conseil municipal, elles sont prises directement dans les commissions (appels d'offre, permis de construire, ...), ou dans les services (achats, entretien des bâtiments...), sous la supervision des élus majoritaires, principalement les adjoints. En tant qu'élue d'opposition, je me suis souvent abstenue de demander copie de documents qui m'auraient intéressée, car certains d'entre eux ne sont pas considérés comme des documents administratifs auxquels l'accès est de droit, et que la demande doit nécessairement transiter par un élu majoritaire, adjoint de préférence, ce qui à la longue est décourageant !!    
 
Au final, j'ai souvent appris davantage sur les coulisses en lisant la presse qu'en étant présente en mairie !! La rétention volontaire des informations et la pratique du secret ont été courants, tout au long du mandat. Le dernier épisode en date est celui de la décision d'abandon du projet des Halles, prise bien en amont de son annonce par le maire au débat électoral télévisé.  

D'où cette désagréable sensation persistante d'être en face d'un puzzle avec de nombreuses pièces manquantes !!


La préparation des conseils municipaux : des échanges peu visibles !  

Une semaine avant la réunion du conseil, chaque conseiller municipal reçoit, sous forme papier; une volumineuse liasse des délibérations (une centaine de pages). Il connaît certaines d'entre elles présentées en amont dans les commissions ad hoc.  

Il faut avouer que le fait de ne disposer que d'un exemplaire papier de la fameuse "liasse" rend difficile une réflexion collective approfondie, avec des non-élus. Néanmoins, nous avons au sein du groupe local EELV, débattu avant chaque séance du conseil municipal de l'opportunité et de la teneur des interventions à faire au nom du groupe, pour porter une parole constructive. Il m'appartenait ensuite de préparer le détail de ces interventions, en recherchant les informations fiables pour expliquer les propositions, étayer les arguments...Tout cela demande du travail ! Le résultat, c'est au mieux quelques lignes dans la presse locale, c'est très frustrant !  

Avant chaque conseil municipal, j'ai également rencontré les élus du Parti socialiste, occasions régulières de partager des informations, de confronter nos points de vue, éludicer nos divergences, prendre conscience de nos convergences, de répartir nos interventions au conseil, nous accorder sur la façon de voter (pas toujours unaniment, respect des convictions de chacun oblige ! )...C'est ainsi que pendant six ans nous avons appris à nous connaître, à nous apprécier, ce qui a mené à la création de la liste Ambition Douarnenez pour les élections municipales 2014. 

Le conseil municipal : au théâtre ce soir ! 

Parlons maintenant des séances du conseil municipal où j'ai été assidue.

Le public de cette séance "au théâtre ce soir" est peu nombreux : quelques habitués et les journalistes à qui reviendra de choisir pour leurs lecteurs les moments qu'ils estiment les plus percutants ou les plus savoureux de cette grande joute verbale !! Quelques élus seulement de la majorité s'expriment, à savoir le maire qui préside et les adjoints qui répondent aux questions posées par l'opposition, les autres sont comme des poupées de cire.  

Chaque groupe d'opposition s'exprime, en espèrant que ses propos seront repris par les journalistes, sinon ces propos sombreront dans l'oubli ! La concurrence entre certains groupes règne, c'est à qui dégainera le premier, j'ai vu des élu-es sauter sur le micro avant qu'un-e autre intervienne !! 

Puis, c'est l'affrontement, avec des bons mots et des phrases choc, pour attirer l'attention et déstabiliser ou discréditer l'adversaire... L'obstruction et les manoeuvres dilatoires font souvent office de débat contradictoire...Alors fusent les noms d'oiseaux, les remarques désobligeantes ou blessantes, les regards méprisants ou narquois... L'irrespect est de mise, tous les coups sont permis... 

Les années passant, j'avais mal au ventre quelques heures avant de descendre dans l'arène, et je me réveillais le lendemain matin toute courbaturée, comme si j'avais été meurtrie dans un combat au corps à corps !!


Le compte-rendu des conseils municipaux : la portion congrue...

Que reste-t-il après ce mauvais western ? Pour ma part, rincée par la séance, il me restait juste assez d'énergie, en rentrant chez moi, pour mettre en ligne sur ce blog, le texte des interventions que j'avais préparées !!  

Les échanges au conseil municipal resteront inconnus du grand public, car ils ne sont pas filmés, (comme c'est le cas dans d'autres communes), ils ne sont pas transcrits dans un procès-verbal, (alors que la loi l'impose). 

Les délibérations sont de simples relevés de décisions, qui sont mis en ligne sur le site internet de la ville, sans les documents annexés qui permettraient de les comprendre (textes des conventions signées, plans cadastraux...), ce qui "s'avère insuffisant pour renseigner les élus absents et les citoyens sur le contenu des débats et les raisons qui expliquent les décisions du conseil municipal". (rapport 2013 de la Chambre régionale des comptes)

Pour conclure : comment s'exerce la démocratie ?

Ce mandat dans l'opposition m'a permis de mieux comprendre les rouages du fonctionnement d'une commune et les ressorts des décisions prises, il m'a également permis de constater qu'avant de parler de démocratie participative, il faudrait se préoccuper des dysfonctionnements de la démocratie représentative. 

Si les représentants des citoyens sont incapables de faire circuler l'information, d'accepter la contradiction, de rendre compte de leurs choix, comment s'attendre à ce qu'ils autorisent les citoyens à contrôler, un tant soit peu, leur pouvoir ! 

Elisabeth Hascoet, élue minoritaire EELV, de 2008 à 2014



2 commentaires:

Un lecteur intéressé a dit…

Il est dommage et même très dommageable de malmener la grammaire volontairement comme vous le faîtes, car si votre texte peut être apprécié et commenté pour son intérêt "pédagogique" de témoignage du fonctionnement d'un appareil (le conseil municipal) supposé démocratique, il paraît difficile de considérer "élu-es" comme une licence poétique. Cessez donc de suivre cette mode stupide qui massacre la langue française au prétexte de parité ou de féminisme mal placé. Les langues évoluent, c'est normal, mais on ne fait pas n'importe quoi. D'ailleurs vous décrédibilisez vous même votre écart de langage par incohérence puisque prise par le fil de votre propos, vous utilisez plusieurs fois correctement le terme "élus" quand le groupe cité comporte aussi des élues.
Sur le fond votre narration est intéressante, mais suscite quelques remarques. Le fait de recevoir une centaine de pages-papier une semaine avant le conseil semble plutôt positif. Ce n'est pas le cas dans d'autres municipalités.
Pour les procès-verbaux non conformes à la loi, les conseillers municipaux n'ont-ils aucun moyen d'action pour en exiger la conformité ?
Enfin, pour ce qui est de la démocratie représentative, les "grands" partis, dont le vôtre, ne donnent pas toujours l'exemple, en particulier quand il s'agit de désigner des représentants ou des candidats à diverses élections ou responsabilités. Ceci n'exonère évidemment pas les élus locaux au sein d'un conseil municipal ou communautaire.

Elisabeth Hascoet a dit…


Merci de votre lecture attentive. Je me permets quelques réponses "du tac au tac" à vos remarques : j'admets volontiers, tout en les assumant, les incohérences qui sont survenues à l'exercice difficile de "genrer" l'écriture !! Pour ce qui est de la liasse des délibérations, je ne déplore pas son volume, mais sa forme en un seul exemplaire papier, difficilement duplicable, alors qu'une version électronique aurait permis le partage et une réflexion collective avec d'autres personnes non élues. Concernant les procès-verbaux, nous verrons si la municipalité réélue en 2014 respectera l'obligation légale rappelée par la Chambre régionale des comptes ! D'accord avec vous que les dysfonctionnements dans les partis n'exonèrent pas les élus d'exemplarité dans leur fonction. Respecter les élus d'opposition, c'est respecter l'ensemble des électeurs !